3615 Love – installation d’art télématique
Installation d’art télématique à Cerisy-la-Salle du 22 au 27 mai 2018.
Installation : PAMAL (Preservation & Art – Media Archaeology Lab)
Avec des œuvres et seconds originaux de : Armandine Chasle, Jacques-Elie Chabert et Camille Philibert, Eduardo Kac, Chris Marker, Marie Molins. Avec la participation de Jerome Saint-Clair.
Le 30 juin 2012, après trente ans d’existence, le réseau Minitel s’éteint, laissant sans concurrence le World Wide Web inventé vingt ans avant. Le Minitel – ou Médium Interactif par Numérisation d’Information Téléphonique, était une invention industrielle française désignant un terminal informatique passif, composé uniquement d’un clavier et d’un écran de 9 pouces, dépourvu de toute capacité de programmation ou de stockage. C’était aussi plusieurs dizaines de milliers de services. C’était encore un réseau social avant la lettre, composé de plusieurs milliers de messageries. C’était enfin un service public, plus ou moins contrôlé par l’Etat français et animé par des entreprises privées.
Au sein du réseau, quelques artistes s’infiltrent réalisant œuvres d’art et littéraires. Dès 1984, Camille Philibert et Jacques-Elie Chabert réalisent une série de romans Minitel (ASCOO, Vertige(s), L’Objet perdu). En 1985, Frédéric Develay et Orlan créent la revue Art-Accès. La même année Eduardo Kac réalise les Poèmes Vidéotext.
Comment dès lors exposer – et donc conserver et restaurer – les œuvres télématiques ? PAMAL propose de réactiver les œuvres réalisées avec le Minitel au plus près de leurs matérialités numériques, en reconstituant un réseau simulant celui du Minitel. Les œuvres, quant à elles, sont reprogrammées en hexadécimal, c’est-à-dire dans un langage proche du langage machine. Ainsi, bien au-delà des effets esthétiques qui sont identiques à ceux des années 1980 (écran, dynamique, couleurs etc.), la méthode de conservation utilisée, à savoir la rétro-ingénierie média-archéologique, contribue à la préservation du patrimoine technologique (hardware et software) du Minitel [1].
Il semblerait qu’à l’heure où les réseaux sociaux planétaires du Web se concentrent entre quelques mains et que la neutralité de l’accès à l’Internet est plus que menacée, il n’ait pas dit son dernier mot. À vrai dire, un médium technique ne meure jamais complètement. L’archéologie des média et l’art médiarchéologiste explorent précisément ces phénomènes d’émergence et d’obsolescence, de résurgence et d’entropie, qui touchent aussi bien les motifs culturels, les réalisations artistiques que les média eux-mêmes. En témoignent, s’agissant du Minitel, les œuvres de Jerome Saint-Clair, exposées à Cerisy en écho à 3615 LOVE (voir aussi la performance Dead Minitel Orchestra), le travail de Benjamin Gaulon ou encore les réalisations du Labomedia. C’est également dans cet esprit que deux étudiantes inscrites en DSRA (Diplôme Supérieur de Recherche en Art) à l’École Supérieure d’Art d’Avignon, Armandine Chasle et Marie Molins proposent en 2018 des œuvres télématiques.
Enfin, dans un contexte où il est justement question de ne pas perdre définitivement la main sur le contrôle et la maîtrise des technologies, PAMAL a mis en place pendant toute la durée du colloque une messagerie instantanée (appelée 3615Chat) fonctionnant sur un réseau Minitel [2].
Cartel de l’installation 3615 LOVE
Notes
[1] Cf. Emmanuel Guez, Morgane Stricot, Lionel Broye et Stéphane Bizet, « The afterlives of network-based artworks », Journal of the Institute of Conservation, vol.40, 2017. https://doi.org/10.1080/19455224.2017.1320299
Voir également l’article de Annick Bureaud, « Art télématique, cartographie pour un média mort », MCD, Archéologie des média, n°75, 2014.
Voir enfin PAMAL, Code X, 3615 Love, Orléans, Hyx, 2019.
[2] Note des éditeurs : On en trouvera quelques traces sur ce site : https://art-et-reseaux.fr/messagerie-minitel-love et https://art-et-reseaux.fr/messagerie-minitel-love-2/
Remerciements : Frédéric Bisson (a.k.a Zigazou) et Christian Quest pour leurs travaux pour la préservation du Minitel.